Les blue zones sont des lieux où la population montre une longévité exceptionnelle. Comment tirer parti de leur étude pour récréer ailleurs des conditions favorisant la santé et le bien-être ?

De nombreuses études se sont intéressées aux centenaires, considérant ceux-ci comme des exemples d’un vieillissement en bonne santé. Le concept de blue zones fait référence à des zones relativement limitées dans l’espace, où la population partage un même mode de vie et environnement et montre une longévité exceptionnelle scientifiquement validée. À ce jour, cinq blue zones ont été identifiées : une région montagneuse de Sardaigne, l’île d’Okinawa, la péninsule de Nicoya au Costa Rica, l’île d’Ikaria en Grèce et enfin une communauté Loma Linda, en Californie [1].

 

Le nom a été créé par l’universitaire italien Gianni Pes et le démographe belge Michel Poulain. Ils ont découvert en 2000, dans la province de Nuoro, en Sardaigne, la plus forte concentration au monde d’hommes centenaires alors connue. Ils dessinèrent sur une carte à l’encre bleue la zone regroupant ces villages qu’ils appelèrent alors simplement la « zone bleue ». Avec le journaliste Dan Buettner et soutenu par la National Geographic Society depuis 2002, d’autres zones bleues ont été identifiées dans le monde [2].

 

Quels sont les points communs du style de vie des habitants des blue zones ?

Les habitants des blue zones partagent des caractéristiques dans leur style de vie qui contribuent à leur longévité [3]. Dan Buettner dans son livre The Blue Zones [4] dresse une liste de 9 caractéristiques communes:

  • Activité physique modérée et régulière, tout au long de la vie ;
  • Restriction calorique ;
  • Semi-végétarisme, la nourriture provenant en grande partie de plantes ;
  • Consommation modérée d’alcool (vin rouge en particulier) ;
  • Donner un sens à sa vie ;
  • Réduire le stress ;
  • Engagement dans la spiritualité ou la religion ;
  • La famille est au centre de la vie ;
  • Engagement social, intégration dans la communauté.

 

Comment mettre en pratique les leçons tirées des blue zones ?

Aux États-Unis, le Blue Zones Community Project a vu le jour visant à transférer les leçons des blue zones à l’échelle de communautés locales afin d’améliorer l’état de santé et le bien-être de ces populations. En 2009, un projet pilote est lancé à Albert Lea dans le Minnesota [5]. Son objectif : inciter les habitants d’Albert Lea à adopter ces habitudes saines de manière si naturelle, sans effort, qu’ils ne se rendraient même pas compte à quel point ils changeaient radicalement leur vie.

À la fin du projet Vitality en octobre 2009, 3 464 résidents de tous âges avaient participé. L’espérance de vie des 786 résidents qui ont pris le Vitality Compass avant et après a augmenté en moyenne de 2,9 ans. En pratique, deux tiers des restaurants locaux avaient ajouté des menus en adéquation avec les principes de régime alimentaire des blue zones, 35 entreprises s’étaient engagées à améliorer la santé de leurs lieux de travail, etc. Les résidents ont pu également participer à 15 initiatives, allant de groupes de marcheurs – y compris des « autobus scolaires à pied », où parents et grands-parents marchaient avec leurs enfants à l’école, en passant par des cours de cuisine plus saine. Depuis, de nombreux projets de ce type ont vu le jour, en particulier aux Etats-Unis.

 

A quoi ressemble la Smart City du Futur au regard des blue zones ?

C’est la question que se pose Joseph F. Coughlin, entre autres fondateur et directeur du Massachusetts Institute of Technology AgeLab, en particulier pour les populations vieillissantes [6]. Les blue zones étant de mieux en mieux comprises, des efforts sont actuellement déployés pour les recréer afin de favoriser la santé et le vieillissement en bonne santé à la maison. Il s’interroge en particulier sur les lieux de vie : Devrions-nous vieillir chez soi, rester là où nous avons notre hypothèque, notre mariage et nos souvenirs? Ou devrions-nous plutôt changer et habiter dans un espace plus petit ? Ou habiter avec ses enfants devenus adultes? Peut-être devrions-nous envisager une communauté de retraités avec des services de soins continus? Les choix sont nombreux et complexes.

Pour J. Coughlin, 4 piliers peuvent supporter une population vieillissante, à retenir sous l’acronyme AIDA (Activités, Intensité, Densité et Accessibilité), chaque pilier étant essentiel pour bien vivre à l’âge avancé et devant idéalement être inclus dans la smart city ou smart rurality du futur.

  • Activités: L’amusement et amitié ajoutent de la richesse à la communauté: Une communauté idéale devrait offrir un large éventail d’activités. Les personnes qui signalent un bien-être positif à la retraite font bien plus que faire du lèche-vitrine et siroter un café. Ils travaillent souvent à temps partiel, font du bénévolat ou jouent le rôle de mentors.

 

  • Intensité :  La vivacité de la communauté: Bien vieillir ne consiste pas à trouver un endroit pour se reposer. Il s’agit de vivre dans un endroit qui vous tire et vous pousse hors de votre fauteuil à bascule. D’où un intérêt pour une large variété d’activités disponibles.

 

  • Densité : Etre engagé devrait être une activité quotidienne, pas un moment rare: La densité d’activités augmente les risques de collision avec d’anciens amis et les occasions d’en créer de nouveaux, indispensables au bien-être.

 

  • Accessibilité : Marche, transports publics et espaces publics: L’accessibilité nécessite de larges trottoirs facilement traversés à pied, en scooter ou en fauteuil roulant. Il devrait exister toute une gamme de moyens de transport publics, privés et bénévoles pratiques , ainsi qu’un accès facile aux commodités numériques.

 

Toutes ces caractéristiques font partie d’une communauté non seulement accessible aux résidents de tout âge, mais aussi exceptionnellement vivable. La planification globale de la retraite ne se limite pas à la santé et à la richesse. Il s’agit de planifier pour vivre plus longtemps et mieux. Mais étant donné les modes de vie actifs, dynamiques et de voisinage qu’une approche AIDA de la construction de communautés peut favoriser, cette approche s’avère ne pas être intéressante seulement pour les personnes âgées, mais pour les personnes de tout âge.

 

Vous souhaitez en savoir plus ?

[1] Blue Zones : aires de longévité exceptionnelle de par le monde, Michel Poulain, Anne Herm et Gianni Pes, Gérontologie et société 2016/3 vol. 38(151), 55-70

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_bleue_(long%C3%A9vit%C3%A9)

[3] https://observatoireprevention.org/2017/09/19/blue-zones-regions-lon-vit-mieux-plus-longtemps/

[4] The Blue Zones: Lessons for Living Longer From the People Who’ve Lived the Longest (First Paperback ed.). Washington, D.C.: National Geographic. Retrieved 15 September 2009.

[5] https://www.aarp.org/health/longevity/info-01-2010/minnesota_miracle.html

[6] https://www.bluezones.com/2017/11/city-of-the-future/