Mobile banking, mypension.be, Taxonweb, e-guichets des administrations… Un grand nombre de services sont de nos jours exclusivement accessibles via des plateformes numériques. Le recours aux outils numériques est de plus en plus fréquent. Le numérique représente-t-il une difficulté ou une aubaine pour nos aînés ? En tout cas, force est de constater qu’il est devenu incontournable.

 

59% de la population âgée de 55 à 64 ans, 39% de 65 à 74 ans, et 15% de + de 75 ans sont les parts des utilisateurs de smartphones âgés de plus de 55 ans mesurées en 2016 au Royaume-Uni. Comment expliquer ce déclin du recours aux nouvelles technologies ? Hormis l’absence d’attrait éventuel pour les nouvelles technologies, quels sont les obstacles auxquels se heurtent les aînés dans l’utilisation de ces dernières ?

 

Déclin de l’acuité visuelle, incompréhension d’écrans (sur)chargés, appréhension du risque, baisse de dextérité manuelle, affaiblissement de la coordination mains/yeux, diminution des capacités cognitives, trouble de l’attention, capacité réduite au multitâche, … sont tous des freins liés à l’âge qui peuvent rendre considérablement compliquée l’utilisation d’applications informatiques. Le numérique reste de prime abord un obstacle pour les seniors. La situation évolue positivement, mais lentement. Le numérique constitue néanmoins une nécessité et une évolution à laquelle adhérer.

 

Pour répondre à ce constat, la Faculté d’informatique de l’UNamur a lancé son projet Silverkit en septembre dernier, et qui s’étendra sur un an, avec pour objectif de permettre à des applications numériques de s’adapter aux seniors et aux difficultés d’utilisation liées à l’avancée en âge. Pour solutionner les obstacles rencontrés par une population vieillissante, il existe deux approches majeures : soit on conçoit des applications qui leur sont dédiées, mais cette manœuvre est compliquée car deux personnes âgées ne sont pas les mêmes, soit on fait en sorte qu’une application commune aux jeunes et aux moins jeunes s’adapte à leurs difficultés spécifiques.  L’UNamur a fait le choix d’opter pour cette deuxième approche.

 

« L’outil que nous souhaitons développer sera capable d’évaluer la détérioration de l’interaction personne/machine en continu, c’est-à-dire qu’il sera par exemple capable de détecter si le problème résulte d’un tremblement, d’une défaillance visuelle, ou encore d’une mauvaise compréhension de la tâche », explique Vincent Englebert, Professeur en Informatique. Un seul jeu de paramètres pour une interface Personne/Machine ne peut contenter tout le monde. En effet, deux profils d’utilisateur ne seront jamais identiques. Afin qu’un utilisateur puisse atteindre ses objectifs, il faut que l’ensemble des interactions se produisent entre son système informatique et lui-même. Cela concerne ce que l’on fait avec un écran, mais aussi un clavier ou une souris.

 

« D’autre part, précise le Professeur Englebert, l’outil permettra de réaliser des actions correctives sur l’application pour préserver la qualité de l’interaction avec son utilisateur. Ces corrections auront la particularité d’être « sur-mesure » et « en continu » c’est-à-dire adaptées aux déficiences de chaque utilisateur en permanenceSi l’on prend pour exemple, le bouton « OK » ou « Valider », celui-ci présente différentes caractéristiques comme: la police de caractères, la taille, la couleur du texte, la couleur du fond, les propriétés du texte (gras, italique, ombré, …), le type d’ombrage du bouton, la présence de texte et/ou d’icônes dans le bouton, la surface du bouton, mais aussi son comportement (par exemple, à partir de quelles conditions on considère que le bouton a été enfoncé, faut-il un simple clic court dans le temps ou faut-il tolérer un appui plus prolongé, …), la présence d’assistance vocale, etc. Toutes ces caractéristiques pour un simple bouton possèdent chacune plusieurs dizaines à plusieurs milliers de variantes. »

 

Au travers de son équipe de recherche, le projet entend développer une boite à outils Silverkit pour développeurs afin de concevoir des interfaces auto-adaptatives aux obstacles liés au vieillissement. Ce kit a pour vocation de venir se greffer sur les pratiques existantes des informaticiens. Adopter Silverkit dans un projet existant ne signifie pas que l’informaticien doive changer de paradigme, mais simplement tenir compte de certaines contraintes afin de faire profiter les interfaces en cours de développement des bénéfices de la plateforme.

 

Silverkit ne permettra donc pas de transformer une application mal conçue à cet effet en une application utilisable par des seniors. L’UNamur entend apporter, dans un premier temps, des corrections de type symptomatique, avec des heuristiques. Par exemple, pour telle difficulté observée, l’équipe de recherche considèrera que le problème est « vraisemblablement » de type visuel en s’appuyant sur la littérature et le retour d’acteurs de terrain. Dans un second temps, elle compte exploiter les mesures collectées afin de pouvoir identifier les causes réelles et apporter des corrections plus ciblées.

 

Certes, le numérique semble présenter de prime abord de nombreuses contraintes. Il constitue néanmoins aussi une réelle opportunité qui est de maintenir la vie au domicile le plus longtemps possible via des services tels que l’e-health, les e-shops, la banque à domicile, les réseaux sociaux, la culture, l’Assistance à l’Autonomie à Domicile (AAL), … Pour ce faire, la faculté d’informatique de l’UNamur s’est entourée de trois partenaires actifs auprès des seniors afin de relever les attentes et besoins des utilisateurs finaux : le service d’Aide et Soins à domicile (ASD) du Hainaut oriental, l’Université du Troisième Âge de Namur (UTAN) et l’Université du Temps libre d’Andenne (UTLA). L’approche de ce projet est réalisée en étroite collaboration avec des acteurs de terrain et des seniors.

 

L’équipe de recherche du projet Silverkit

Prof. Vincent ENGLEBERT, Doyen de la Faculté d’informatique, vincent.englebert@unamur.be

Prof. Claire LOBET, Faculté d’informatique, claire.lobet@unamur.be

Prof. Wim VANHOOF, Faculté d’informatique, wim.vanhoof@unamur.be

Simon GENIN, Chercheur à la Faculté d’informatique, simon.genin@unamur.be