Interaction homme-machine, interfaces tangibles et multimodales, ça vous parle un peu, beaucoup… sans forcément vous attirer ? Sachez pourtant que vous utilisez (presque) tous les jours des interfaces et que l’innovation et la recherche sont omniprésentes dans ce domaine !

Bruno Dumas et Antoine Clarinval, respectivement professeur et chercheur de la faculté d’Informatique de l’UNamur, nous ont expliqué tout ça. Ils ont illustré leurs propos par des exemples très inspirants que l’on partage avec vous.

Tout d’abord, qu’entend-on par « interface » ? Pour cette brève, on considérera une interface comme un dispositif qui permet des échanges et interactions entre différents acteurs. On s’attachera particulièrement ici aux interfaces homme-machine, qui permettent des échanges entre un humain et une machine. L’écran d’un ordinateur ou d’un GSM, une souris, un clavier, les boutons sur la face d’un four à micro-ondes, le volant d’une voiture, etc. sont des exemples d’interfaces homme-machine car ils permettent à l’utilisateur et à la machine de communiquer et d’échanger des informations. Ces interfaces peuvent bien sûr utiliser des supports de visualisation technologiques (visualisation digitale, réalité virtuelle, etc.) mais pas seulement, comme vous allez le voir…

Sans entrer dans des considérations (trop) techniques, le domaine scientifique de l’interaction homme-machine est très large et s’attache autant à la conception d’interfaces innovantes (par exemple la réalité augmentée) qu’à l’étude de la manière dont les humains agissent et réagissent avec différentes interfaces. Pour cet article, nous avons sélectionné quatre types d’interfaces innovantes sur lesquels des chercheurs namurois, wallons et belges travaillent.

Les interfaces plastiques

L’idée : maintenir l’utilisabilité d’une interface en proposant des adaptations dynamiques en fonction des utilisateurs, des dispositifs utilisés et des contextes d’usage (environnement physique, social, etc.) afin d’améliorer l’appropriation et les usages de ces dispositifs.

Dans cet exemple, les couleurs des interfaces jour et nuit des GPS s’adaptent pour que l’utilisateur ne soit pas aveuglé par une lumière vive.

Les interfaces tangibles

L’idée : permettre à l’utilisateur d’interagir avec l’information numérique par le biais de l’environnement physique. L’objectif de développement des interfaces tangibles est de faciliter la compréhension de l’information mais aussi d’encourager la collaboration, l’éducation et le design en donnant à l’information digitale une forme physique. Ceci permet de profiter des capacités humaines, et plus particulièrement du sens du toucher, pour saisir et manipuler des objets physiques et des matériaux servant de pont à l’information digitale.

Une visualisation physique modulaire comme ce diagramme à barres 3D réorganisable permet aux utilisateurs de trier, filtrer, comparer et examiner les données par manipulation physique directe.

Les interfaces persuasives

L’idée : le développement de ces interfaces part du constat que les humains interagissent avec un système comme s’il était un acteur social. On peut donc appliquer des théories psychologiques aux systèmes informatiques. Les interfaces persuasives ont pour objectif un changement de comportement et varient en fonction du type de changement recherché, du domaine pour lequel ce changement est attendu, ainsi que des personnes ciblées.

L’objectif de ce dispositif est d’encourager les utilisateurs à minimiser le temps pendant lequel ils n’utilisent pas leur ordinateur alors que celui-ci est allumé. Dans cette expérience, les auteurs testent une visualisation traditionnelle du temps passé (affichage du temps) et la visualisation d’un récif de corail et des changements dus à l’impact environnemental en fonction du temps calculé.

Les interfaces ambiantes

L’idée : ces interfaces se trouvent dans l’environnement périphérique de l’utilisateur. Elles peuvent donner de l’information sans mobiliser l’attention de celui-ci, qui peut se concentrer sur sa tâche principale. L’utilisateur peut facilement diriger son attention vers elles et s’en éloigner ensuite. Elles permettent entre autres d’interagir à plusieurs et de lancer des débats d’idées.

L’objectif du projet Street Infographics est d’encourager les résidents d’un quartier à réfléchir et à analyser des situations conflictuelles locales (dans ce cas, la proportion d’étudiants et d’étrangers) grâce à un affichage ambiant, intégré à l’environnement.

Selon le les objectifs à atteindre et le contexte dans lequel les interfaces sont utilisées, les différents types d’interfaces présentent chacun des avantages.

  • Les interfaces plastiques permettent de garantir une utilisabilité malgré les changements de l’environnement et de l’utilisateur, ce qui est précieux dans des contextes de Smart Cities par exemple où les citoyens peuvent avoir des profils différents et évoluent dans un environnement dynamique.
  • Les interfaces tangibles permettent l’exploiter le sens du toucher pour encourager la manipulation et offrent la possibilité d’utiliser un affichage à la fois physique et digital en complémentarité.
  • Les interfaces persuasives peuvent tirer parti des théories de groupes. Une augmentation de la qualité de vie passe par un changement de comportement chez les citoyens, et les interfaces persuasives peuvent contribuer à ce changement.
  • Les interfaces ambiantes permettent d’atteindre un maximum de personnes (périphérie), d’interagir à plusieurs et de lancer des débats d’idées. L’effet de nouveauté rend les interfaces ambiantes et tangibles plus attrayantes.

Vous l’aurez compris, une interface appartient rarement à une seule catégorie. Voici donc encore quelques exemples qui méritent le détour !

L’expérience Fair Numbers utilise une interface ambiante et tangible pour représenter l’affluence et le bruit dans un lieu.

L’objectif du projet Tidy Street est d’encourager les habitants d’une rue à réduire leur consommation d’énergie en rendant publique la consommation de chaque ménage via une interface ambiante et persuasive. En pratique, le niveau d’énergie consommé par chaque foyer est peint à même le bitume et comparé avec la consommation moyenne de la rue.

Le projet Gurgle, interface également persuasive, ambiante et plastique, encourage les gens à boire de l’eau à une fontaine en la rendant plus attrayante (lumière, son), ce qui a permis d’augmenter de manière durable la fréquentation de la fontaine. Celle-ci possède plusieurs modes de fonctionnement pour maintenir l’interaction, qui peut varier en fonction du contexte (peu ou beaucoup de monde dans le couloir, par exemple).

 

Le projet Sandscape est une interface tangible pour la conception et la compréhension des paysages à travers une variété de simulations informatiques utilisant du sable. Les utilisateurs peuvent modifier la forme d’un modèle de paysage en manipulant le sable tout en observant les effets résultant de l’analyse computationnelle générée et projetée sur la surface du sable en temps réel.