Dans cette deuxième brève, nous allons creuser le sujet et explorer les facteurs influençant l’adhésion au travers de ce qu’on appelle le schéma thérapeutique et introduire la notion d’alliance thérapeutique.

 Pour alimenter cette réflexion, nous avons rencontré différents intervenants dans le domaine de l’adhésion thérapeutique (voir encadré).

A noter que dans la précédente brève, nous avons abordé les notions d’adhésion, de compliance, d’observance, etc., et nous avons vu que les frontières entre ces notions ont tendance à s’atténuer pour former un seul concept : l’adhésion thérapeutique. Afin de clarifier le propos présenté dans cette deuxième brève et les suivantes, nous parlerons dorénavant d’adhésion thérapeutique (en gardant à l’esprit  qu’il comprend plusieurs dimensions correspondant aux notions évoquées ci-dessus).

 

AARDEX

Bernard Vrijens, CEO de AARDEX Group,  et professeur invité à l’Université de Liège.

AARDEX Group a développé plusieurs solutions de  piluliers électroniques utilisés dans de nombreuses études cliniques dont le MEMS (Medication Events Monitoring System) pour monitorer l’adhésion des patients lors de ces études.

 

Dr Philippe BURETTE

Professeur à la faculté de Médecine générale de l’Université de Liège,
Médecin généraliste au Centre de Santé de l’Amblève, et Président à la Maison de Garde en Médecine Générale MG2

Le Dr Philippe Burette travaille en tant que médecin généraliste au Centre Santé d’Amblève au sein d’une équipe pluridisciplinaire. En tant que chargé de cours à l’ULiège, il dispense de nombreux cours en médecine générale.

 

Kitozyme

Salvatore Modica Amore, Innovation and New Business Manager chez Kitozyme

Kitozyme est une société produisant des solutions cliniquement prouvées à base de chitosan et de chitine-glucane. Ces solutions trouvent leurs applications dans la gestion du poids, de la santé digestive et des maladies cardiovasculaires.

 

Medimind

Bernard Hiernaux, Directeur Général et Cofondateur de Medimind

Medimind a développé une solution d’assistance à la prise de médicaments : le Posomind. Il s’agit  d’un boitier muni d’un écran et d’un unique bouton qui a pour objectif de rappeler au patient quand prendre son médicament et à quel dosage, tout en respectant le mode d’administration prescrit par le médecin.

 

Multipharma

Nicolas Delhaye, Head of care & quality chez Multipharma

Multipharma est une société coopérative regroupant un réseau de plus de 270 pharmacies.

Le schéma thérapeutique…

Une fois la consultation médicale clôturée, prescription à la main, le patient se rend chez son pharmacien et commence alors son long parcours dans la gestion de son adhésion qui peut être décrite selon la taxonomie ABC comme suit [1] :

  • L’initiation correspond au moment où le patient prend la première dose d’un médicament prescrit ;
  • L’implémentation est la façon dont le patient suit son schéma thérapeutique en accord avec celui définit par son médecin ;
  • La persistance est la période de temps durant laquelle le patient suit son schéma thérapeutique, et s’étend entre l’initiation et la dernière dose, qui précède immédiatement l’arrêt du traitement.

 

On parle de discontinuité lorsque le patient arrête de suivre le traitement thérapeutique prescrit, quelle qu’en soit la raison. (Voir Figure 1)

Figure 1 : La taxonomie ABC définit l’adhésion en 3 termes [1] : l’initiation, l’implémentation et la persistance. Dans l’exemple donné ci-dessus, le patient reçoit sa prescription, se procure sa médication et initie son traitement. On voit dans cet exemple que l’implémentation (prise de pilules rouges vs pilules grises) n’est pas optimale et que la persistance n’est pas complète car le patient stoppe son traitement prématurément avant la fin de sa prescription. La pyramide quant à elle, reprend différents acteurs pouvant jouer un rôle dans la gestion de l’adhésion thérapeutique en fonction de sa proximité par rapport au patient

 

…et ses aléas

Nous clôturions la précédente brève sur les 5 grandes classes de facteurs définies par l’OMS pouvant influencer l’adhésion thérapeutique. Ces 5 grandes classes regroupent plus de 700 facteurs [2] pouvant intervenir lors des 3 phases du schéma thérapeutique soit de façon « ponctuelle » lors d’une phase spécifique, soit de façon transversale.

 

Figure 2 : Il existe différentes forme de non-adhésion : durant la phase d’initiation, l’adhésion est dichotomique, le patient prend ou non son traitement. Durant la phase d’implémentation, la non-adhésion peut prendre plusieurs formes : le patient ne respecte pas la fréquence, oublie ou surdose son traitement. Concernant la persistance, le patient peut arrêter son traitement prématurément à différents moments. [1]

 

La résultante de ces 700 facteurs induit différentes formes de non-adhésion. Prenons l’exemple d’un facteur socioéconomique transversal : l’absence d’un revenu régulier ou faible. Dans cet exemple, le patient peut ne pas initier son traitement pour des raisons financières ; décider de ne pas l’implémenter selon la posologie prescrite, mais plutôt un jour sur deux pour faire durer la boîte plus longtemps, ou encore ne pas persister sur la durée prescrite et arrêter prématurément son traitement pour des raisons de coût.

Notons par ailleurs, que la non-adhésion à un traitement thérapeutique prescrit, peut aussi se traduire par une sur-adhésion avec un patient surdosant sa médication de façon volontaire ou non. En effet, un patient souffrant d’Alzheimer peut se retrouver à oublier qu’il a déjà pris son traitement. A contrario, un enfant peut prendre l’initiative de prendre deux pilules au lieu d’une seule pour « guérir plus vite ».

 

L’adhésion thérapeutique peut être favorisée ou défavorisée par plus de 700 facteurs [2].

Facteurs défavorisant l’adhésion

Facteurs favorisant l’adhésion

  •  Prescription  incomplète/inadaptée
  • Faible niveau d’éducation
  • Coût du traitement thérapeutique élevé
  • Nature de la pathologie chronique
  • Pathologie asymptomatique
  • Information sur le schéma thérapeutique à suivre peu clair
  • Nombre élevé de prescripteurs
  • Diminution de la qualité de vie due à la médication
  • Apparition d’effets secondaires
  • Complexité du schéma thérapeutique
  •  Traitement longue durée
  • Efficacité du traitement non perceptible
  •  …
  • Confiance dans le diagnostic
  • Confiance dans les recommandations cliniques
  • Perception de la sévérité de la pathologie
  • Support émotionnel
  • Groupe d’entraide entre patients
  • Accès à une assurance santé
  • Augmentation de la sévérité et du nombre de symptômes
  • Qualité, durée et fréquence des visites médicales
  • Implication du patient dans la prise de décision
  • Traitement court
  • Efficacité du traitement perceptible de façon objective
  •  …

En adhésion thérapeutique, il n’y a pas de bons ou mauvais patients, mais plutôt des situations favorables et défavorables. En effet, l’adhésion est un processus multifactoriel complexe (voir encadré) avec des facteurs qui peuvent être transversaux, ou non, à doubles sens (selon le contexte, être favorables ou non), et dynamiques dans le temps !

Dans le temps ? Prenons l’exemple du patient souffrant d’hypercholestérolémie avec un traitement prescrit dans l’objectif de diminuer, entre autre, les risques d’infarctus. Sa pathologie étant asymptomatique, durant l’implémentation de son traitement, le patient ne perçoit aucun bénéfice direct. Son adhésion  risque donc de diminuer dans le temps. Une « piqûre de rappel » régulière d’un des acteur de la santé du patient est la bienvenue, mais nous en parlerons plus loin.

 

Adhésion, adhésion, quand tu nous tiens…ou pas!

Sans parler des enjeux globaux de l’adhésion thérapeutique (qui seront abordés dans une des prochaines brèves), discutons d’un des effets/risques de la non-adhésion et de l’adhésion suboptimale sur la thérapie prescrite : l’échec thérapeutique et ses conséquences.

On parle d’échec thérapeutique lorsque le traitement prescrit pour une pathologie ne donne pas les résultats attendus (guérison, stabilisation d’un paramètre comme le cholestérol, etc.). S’ensuit alors une progression de la maladie menant souvent à un changement de la stratégie thérapeutique mise en place par le professionnel de santé. Celle-ci se traduit généralement par un traitement thérapeutique plus complexe (schéma de la prise de médicaments plus complexe, nombre plus élevé de médicaments, risque d’apparition d’effets secondaires dû à des interactions médicamenteuses, etc.) et souvent plus lourd pour le patient. Ce changement de stratégie thérapeutique ne favorisera pas l’adhésion du patient qui n’était pas déjà pas suffisamment impliqué. C’est un cercle vicieux.

 

Figure 3 : L’échec thérapeutique [1] : une adhésion suboptimale conduit à un échec du traitement qui ne donne pas les effets escomptés ce qui conduit à une progression de la pathologie. L’origine de la progression de la maladie n’étant pas identifiée comme la conséquence d’une adhésion suboptimale (volontaire ou non) conduit généralement à un traitement plus complexe et/ou plus lourd pour le patient qui aura pour conséquence de défavoriser l’adhésion.

 

Comment sortir de ce cercle vicieux?

En communiquant ! Face à son traitement et le schéma thérapeutique qui le compose (la dose et le moment de la prise du médicament), le patient n’est pas/plus seul : on parle maintenant d’alliance thérapeutique entre le patient et les différents acteurs de sa santé que sont son/ses médecin(s), son/ses pharmacien(s), sa famille, ainsi que le système de santé et les sociétés à finalité commerciale impliquées dans la santé.

En effet, il est ressorti lors des entretiens réalisés pour la rédaction de cette brève que le patient n’est qu’un acteur de son adhésion et qu’un facteur majeur favorisant celle-ci est la communication entre professionnels de santé et le patient.

Cette communication touche à différents aspects clés du traitement pour le patient :

  • Le pourquoi du traitement et de chacun des médicaments prescrit, à quoi servent-ils et pourquoi les prendre ? L’objectif est de conscientiser le patient à chaque pilule ingérée.
  • La compréhension du schéma de traitement : quand dois-je prendre tel ou tel médicament (matin/soir, avant un repas, etc.), à quelle dose et à quelle fréquence ?
  • Quels sont les bénéfices attendus ? Si aucun bénéfice perceptible n’est attendu, comme dans le cas d’une pathologie asymptomatique, il est important de rappeler le point 1.
  • Quels sont les risques liés au traitement : quels sont les effets secondaires rares et courants, leurs fréquences et que faire si certains surviennent ?
  • L’adhésion au traitement, qu’est-ce que c’est, ses bénéfices et risques.

Conclusions

Rappelons-le, en adhésion thérapeutique, il n’y a pas de bons ou mauvais patients, mais plutôt des situations favorables et défavorables. Dès lors, il est primordial de communiquer au sein de notre alliance thérapeutique afin de lisser ces situations défavorables et de développer les situations favorables.

Lors de la prochaine brève, nous continuerons notre exploration de l’adhésion thérapeutique en réalisant un tour d’horizon des acteurs jouant un rôle au sein de cette alliance thérapeutique.

Pour en savoir plus:

[1] Bernard Vrijens & al.  A new taxonomy for describing and defining adherence to medications, British Pharmacological Society Journals,  73(5): 691–705, 2012.

[2] Przemyslaw Kardas & al. Determinants of patient adherence: a review of systematic reviews, Frontier in Pharmacology, 4:91 2013.