Vous avez peut-être aperçu, sur les réseaux sociaux, cette vidéo d’un escalier de métro transformé en piano géant et incitant les usagers à délaisser l’escalator pour un peu d’exercice physique. Cette technique, on l’appelle le nudge. Et elle peut avoir un impact positif sur les individus si elle est bien conçue !

Ce premier article de notre dossier « What the nudge ? » a pour objectif d’introduire le concept du nudging, de comprendre ses grands principes et de donner une idée de ses multiples applications.

Qu’appelle-t-on « Nudge » ?

 

Nudge se traduit littéralement de l’anglais par « coup de coude ». Ce concept englobe de multiples techniques d’incitation des individus à adopter certains comportements ou à faire des choix jugés plus pertinents, sans contrainte, ni obligation, ni sanction.

Dans le métro de Stockholm, des escaliers peints en piano géant ont augmenté de 70% leur utilisation face à l’escalator. C’est une parfaite illustration de nudge : en modifiant des caractéristiques de l’environnement des usagers (dans ce cas, par l’apport d’un aspect ludique et original), le créateur du nudge incite les usagers à adopter un comportement spécifique, jugé bénéfique pour eux.

 

 

Quelles sont les origines du Nudge ?

Les nudges (autrement dit les « techniques de nudges ») existent probablement depuis la nuit des temps, appliqués de manière consciente ou inconsciente et destinés à influencer les comportements des individus.

C’est en 2008 que le nudge est mis en lumière et décrit dans un cadre théorique par Cass Sunstein et Richard Thaler (prix Nobel d’économie 2017). Ils le présentent comme une nouvelle philosophie de l’intervention publique à mi-chemin entre le laisser-faire et la réglementation coercitive, avec le postulat de départ qu’il est légitime d’influencer le comportement des gens pour les aider à vivre plus longtemps et en meilleure santé.

En d’autres mots, Sunstein et Thaler créent le nudging, c’est-à-dire une méthode d’implémentation et de développement systématique de nudges pour faire évoluer des comportements. Ils rationnalisent et expliquent ce qui, jusque-là, restait du domaine de l’instinctif et de l’intuition.

 

Que trouve-t-on à la base de la théorie du Nudge ?

Sunstein et Thaler suggèrent que certains comportements qu’on pourrait qualifier d’inadaptés ou de sous-optimaux pour l’individu sont provoqués par des facteurs tels que les biais cognitifs, les barrières cognitives ou encore les conditionnements. Leur théorie du nudge a pour objectif d’utiliser les mêmes facteurs de biais, barrières et conditionnements pour influencer la prise de décision et susciter un comportement jugé bénéfique pour la personne.

Ainsi, le nudging est essentiellement basé sur les sciences du comportement. Depuis plus d’un siècle, ce champ de recherche s’intéresse aux principes du comportement humain et aux mécanismes de l’apprentissage.  Les sciences du comportement font appel à des processus internes à l’individu, intervenant dans le jugement et se déroulant pour certains de façon quasi automatique dans notre cerveau.

 

Les Nudges au quotidien ?

Nous sommes régulièrement confrontés à des techniques de nudge sans nécessairement en prendre conscience. Comme mentionné plus haut, notamment dans la vision de Sunstein et Thaler, le nudging est vu comme un outil d’intervention publique dans des thématiques sociales et sociétales comme :

  • La santé (obésité, tabagisme, etc.)
  • La sécurité (sécurité routière, etc)
  • L’environnement (réduction et tri des déchets, gaspillage, etc.)
  • Comportements sociaux (discrimination, etc.)

En dehors de l’intervention publique, le nudging a débarqué dans d’autres sphères comme celle du marketing (pour influencer des comportements d’achat) ou de la performance en entreprise (pour favoriser les comportements les plus efficients).

 

Quelques exemples de Nudges dans la vie courante

En sécurité routière, on peut trouver des passages pour piétons peints avec un effet 3D, poussant les automobilistes à fortement ralentir au risque d’abîmer leur voiture !

Autre exemple, une signalisation indiquant régulièrement aux automobilistes le pourcentage d’entre eux qui respecte la vitesse autorisée. L’expérimentation a eu lieu en 2015 dans les villes d’Edmonton au Canada, Chicago et NYC. En réussissant à diminuer de façon significative la vitesse moyenne des automobilistes, elle a montré que cette stratégie était 10 fois plus efficace et moins coûteuse que les stratégies plus classiques.

Cette expérience fait appel au concept de « groupe unanime » en psychologie sociale : un groupe qui offre à l’individu une définition de la réalité à laquelle il est difficile d’échapper. C’est le phénomène du conformisme. Il s’agit donc d’un modèle puissant pour modifier le comportement.

Un autre nudge, cocasse et souvent cité, est celui de la « pipi mouche » créé initialement pour l’aéroport d’Amsterdam: le dessin d’une mouche apposé stratégiquement au fond d’un urinoir… incitant l’usager à mieux viser, et ainsi réduire les frais de nettoyage.

 

La « Pipi Mouche » de l’aéroport de Schipol (Amsterdam)

 

Beaucoup de nos comportements ont un effet sur l’environnement (utilisation de sacs en plastique, utiliser des transports ou même effectuer des recherches sur Google !). Nous le savons mais n’en prenons pas conscience, raison pour laquelle il est complexe de modifier nos habitudes. L’énergie étant invisible, il est impossible de nous rendre compte que nous sommes en train de l’utiliser. L’idée de certains nudges est de rendre visible cette consommation énergétique. Si nos comportements sont suivis d’un retour d’information immédiat de leurs effets sur l’environnement, nos habitudes pourraient évoluer de manière beaucoup plus significative.

 

« L’étiquetage peut énormément contribuer à relever les défis environnementaux, précisément parce que les concepts sous-jacents sont terriblement abstraits et énigmatiques pour la plupart d’entre nous. » (Thaler et Sunstein, 2010, p.324).

 

Pour aider ses clients à économiser de l’énergie, une entreprise américaine a conçu un dispositif permettant de donner une information sur la consommation d’énergie en temps réel : l’Ambient Orb est une sphère lumineuse qui devient rouge en cas de grande consommation et verte quand elle diminue. Les utilisateurs de l’Ambient Orb ont réduit leur consommation de près de 40%.

 

L’Ambiant Orb

A suivre…

Dans la suite de ce dossier, nous aborderons :

  • La science du comportement derrière le nudging et la notion de biais cognitif
  • La construction d’un projet de nudge
  • Le nudge en santé
  • Les aspects éthiques de la théorie du nudge

Pour en savoir plus :