Définir ce qu’est une communauté relève parfois d’un véritable défi linguistique. Mais au delà de la définition, faut-il encore voir les usages de celles-ci et leurs raisons d’être. Petit tour d’horizon de ces communautés pour lesquelles nous nous engageons un peu, beaucoup ou passionnément.

 

Le terme de communauté vient du latin « cum numus » c’est à dire, « une chose en commun ». Les interactions peuvent y être physiques, idéologiques ou virtuelles, le degré de l’engagement et la participation peut être forts ou faibles, et le sentiment de communauté entre les membres peut autant être positif que négatif.

Il n’existe pas à proprement parler de définition universelle de la communauté. On l’utilise souvent comme terme de substitution à la localité, mais la communauté existe bien au-delà des lieux physiques, conformément à ce qu’affirme Hillery [1] en identifiant 94 types de communautés différentes. Certains suggèrent que les communautés soient liées principalement par des émotions et des intérêts personnels communs. Les communautés sont alors définies comme des agrégats de personnes qui partagent des activités et/ou des croyances communes et qui sont liées entre elles principalement par des relations d’affection, de loyauté, de valeurs communes et/ou d’intérêt personnel. Enfin, une communauté peut encore être définie comme une institution sociale qui est structurée de façon stable et qui convient d’un ensemble de procédures et de conventions permettant de fournir un sens social.

Plusieurs types de communautés existent. Chaque type a des caractéristiques différentes, objectifs et exigences d’adhésion, ainsi que traditions d’interactions.

Malgré la multitude des communautés existantes, on dénombre 5 communautés majeures.

  • Communauté d’action dans laquelle l’objectif est d’utiliser le pouvoir collectif pour apporter des changements dans le monde ;
  • Communauté de pratique au cœur de laquelle les personnes ont en commun une pratique professionnelle ou un domaine d’expertise ;
  • Communauté d’intérêts constituée de personnes qui partagent les mêmes intérêts et les mêmes valeurs ;
  • Communauté de lieux qui rassemble des personnes unies géographiquement par des repères géographiques ;
  • Communauté de circonstances dans laquelle les personnes sont unies par une situation commune (maternité, toxicomanie, …) ou un challenge qui n’est pas de leur ressort.

Il est à noter qu’un grand nombre de communautés hybrides existent, des communautés à la fois de lieux et d’action, de pratiques et de circonstances, etc.

 

La communauté d’action

La communauté d’action se définit par un objectif que les membres désignent en commun. On parle ici de démarche d’empowerment de la part des membres. Ils s’unissent autour d’une cause et/ou essaient d’apporter des changements. On peut aussi parler de stratégie d’impact collectif, mais cette expression ne traduit pas assez la dimension humaine et l’envie de faire ensemble. Oxfam est aujourd’hui une des communautés d’action la plus connue du grand public : « Le pouvoir citoyen contre la pauvreté ». Oxfam croit en un futur meilleur, sans pauvreté ni inégalité grâce aux actions citoyennes, et s’engage pour un monde où les individus peuvent influencer les décisions qui affectent leur propre vie.

Les communautés d’action, comme tous les autres types de communautés d’ailleurs, peuvent aussi être numériques. Care2 est la plus grande communauté d’action numérique qui a pour credo « You are our people. You Care. We Care2. ». Elle répertorie des pétitions allant de la santé, à l’environnement et à l’éducation.

Une communauté d’action, ce n’est rien d’autre qu’une association, l’acte de mettre en commun ses connaissances, ses ressources et ses activités en fonction de règles que l’on se donne librement. Il existe trois grandes phases [2] dans l’émergence d’une communauté d’action :

  • Le passage du bruit à la parole durant lequel une parole commune émerge, c’est-à-dire une expression publique intelligible, pouvant être positive ou négative, consensuelle ou conflictuelle, mais dont on peut se servir comme support d’échange ;
  • Puis de la parole aux actes où il s’avère nécessaire de sortir de toute posture victimaire et écarter l’influence d’un environnement extérieur hostile ou indifférent. Pour favoriser le développement du pouvoir d’agir, il semble primordial de partir de réalisations très concrètes ;
  • Et enfin des actes à la reconnaissance politique.

 

La communauté de pratique

Ce type de communauté est, selon Wenger et al. [3], la première forme de communauté créée à l’ère des cavernes comme notre toute première structure sociale, lorsque les gens se rassemblaient autour d’un feu pour discuter des stratégies liées à la chasse ou à l’agriculture. La communauté de pratique est intentionnelle et non spontanée avec des individus qui échangent en face à face ou virtuellement. Elle est constituée de « professionnels qui partagent des savoirs, créent des pratiques communes et les enrichissent dans un domaine d’intérêt partagé » [4]. Elle est un moyen de partager des conseils et des bonnes pratiques, de poser des questions entre collègues et de se soutenir mutuellement. La communauté Human Coders est très active et complète et représente parfaitement le concept de communauté de pratiques, en représentant une communauté de développeurs. Human Coders, c’est aussi des milliers de développeurs qui se réunissent aux Human Talks, font leur veille technique sur Human Coders News, discutent sur leur forum et trouvent un emploi sur Human Coders Jobs.

Les trois dimensions par lesquelles la pratique est source de cohérence dans une communauté sont [3] :

  • L’engagement mutuel des membres de la communauté ;
  • Une mission commune (« joint enterprise ») comme réponse collective négociée à la situation à laquelle ils font face, et
  • Un répertoire partagé incluant des routines, des mots, des outils, des façons de faire, des histoires, des anecdotes, des gestes et des symboles que la communauté a produits ou adoptés.

Enfin, il existe 5 bénéfices qui découlent des communautés de pratique et qu’il est bon de garder en tête :

  • Faciliter l’apprentissage ;
  • Maîtriser et approfondir un domaine d’expertise ;
  • Susciter l’innovation ;
  • Faciliter la résolution de problèmes ;
  • Mutualiser des ressources rares.

Notons encore dans ces communautés de pratique, l’exemple repris dans l’article sur les groupes Balint : des médecins qui se réunissent pour soumettre des cas de situations conflictuelles avec leurs patients et qui puisent dans ces rencontres des conseils de leurs pairs pour mieux s’outiller face à leurs problématiques, ou encore celui du Gérontopôle de la Province de Namur.

Rencontre de la communauté du Gérontopôle.

La communauté d’intérêts

La communauté d’intérêts est composée de personnes qui se rencontrent autour d’intérêts communs, qui se regroupent par affinité, qui partagent les mêmes valeurs et échangent des idées sur une même passion. On peut trouver des communautés d’intérêt par exemple sur le football, les amateurs de musique, l’art, etc. Pinterest représente un réseau de personnes partageant des intérêts communs. Pinterest est un lieu d’inspiration pour tous vos projets et centres d’intérêt, qui regorge d’idées choisies personnellement par d’autres internautes comme vous. Comme son nom l’indique si bien, Pinterest sert à épingler (to pin) des choses qui nous intéressent (interest) = Pinterest.

De façon générale, les communautés linguistiques sont des communautés d’intérêt. La francophonie en est un exemple. Les partis politiques, quant à eux, relèvent également de la catégorie des communautés d’intérêts en ayant l’intérêt commun de porter leur parti au pouvoir et de faire valoir leurs valeurs auprès des citoyens.

 

Les communautés de lieux

La communauté de lieux est facile à percevoir car elle contient des repères géographiques. On pense spontanément aux associations de quartier, telle que Nextdoor, ou de commerçants locaux. Bien que ces communautés aient souvent des dirigeants locaux, elles bénéficient également d’un soutien de ses membres et ne manquent pas d’interaction. Le site List Minut’ est également cohérent par son offre de services de proximité par la collectivité.

La communauté de lieux se concentre sur l’organisation d’événements, d’activités locales ou de services. L’entraide de proximité est très ancrée dans les pratiques.

 

Les communautés de circonstances

La communauté de circonstances, quant à elle, est constituée de membres qui sont souvent à la recherche d’informations. Les membres sont liés par des circonstances de vie indépendantes de leur volonté. On pense à la communauté de patients Patient like me où les patients cherchent à prendre connaissance d’expériences similaires à celles qu’ils vivent. On parle ici plus d’expériences de vie communes plutôt que d’intérêts communs. Des communautés sur la maternité où les mères partagent leur quotidien, leurs doutes, leur succès, leurs interrogations,… sont aussi reprises dans cette classification. Stent.Care (en savoir plus dans l’interview de Lucio Scanu et Frédéric Koralewski) quant à lui est un facilitateur de communication entre les communautés constituées ou proches des patients, aidants, professionnels de la santé et associations.

 

Y a-t-il des clés de réussite d’une communauté ?

Créer une communauté, ce n’est pas tout, faut-il encore la faire vivre. Et ça ne va pas se faire tout seul !  Tout comme il n’y a pas de définition claire sur ce qu’est une communauté, il n’y a pas non plus de clés universelles de réussite. Ces clés dépendent notamment du type de communauté mise en place.

Certains facteurs communs sont nécessaires la création et la pérennisation des différentes communautés :

  • Les membres partagent un sentiment d’appartenance favorisé par la définition de règles de vie communes ;
  • Une fois que les membres se reconnaissent dans les valeurs et les objectifs d’une communauté, il est nécessaire de connecter toutes ces énergies ensemble ;
  • Les membres font et apprennent des choses ensemble, c’est uniquement à partir de cette étape que l’on crée véritablement une communauté, et non un réseau.

D’autres facteurs seront plus spécifiques aux types de communautés. Dans le cas des communautés de pratique, qui nous intéressent plus particulièrement, on trouve [5] :

  • Le degré de formalisme institutionnel de la communauté de pratique qui peut aider à justifier le temps que les professionnels consacrent à la communauté.
  • L’allocation de temps pour soutenir une animation de qualité pour permettre de développer le sentiment d’appartenance, le réflexe de suivre les activités de la communauté de pratique et maintenir l’intérêt des membres.
  • L’allocation de temps reconnu dans la tâche des membres pour leur participation à la communauté de pratique afin qu’ils puissent réaliser des apprentissages significatifs.
  • Un leadership collaboratif affirmé et des communications harmonisées auprès de chaque organisation et devraient pour faire ressortir les performances des communautés
  • Une reconnaissance de la participation par les organisations pour inciter leurs professionnels à participer en réduisant les barrières et en valorisant les apprentissages réalisés.
  • Le soutien à la formation des animateurs et membres pour fonctionner en communauté de pratique.
  • La possibilité à la communauté de s’auto-organiser.
  • Une valeur ajoutée directement perçue par les membres de partager leurs expériences, idées, connaissances.

 

Pour en savoir plus

[1] Hillery G., Definitions of Community: areas of agreement, Rural Sociology, 20, 111-123, 1955

[2] Hagenmüller, B., Organiser une communauté d’action, conférence-article pour le CNAM, 2013

[3] Wenger E., Communities of practice : Learning, meaning, and identity. Cambridge university press, 1998

[4]  Davel E. et Tremblay D.-G., Formation et apprentissage organisationnel : La vitalité de la pratique, chapitre 4, Presses de l’Université du Québec, 2011

[5] La communauté de pratique un outil pertinent : résumé des connaissances adaptées au contexte de la santé publique, Institut National de Santé Publique du Québec, 2018.