Le projet NeuroInsights a été déposé auprès de deux pôles : BioWin et MecaTech. Son objectif : créer une plateforme pour créer le lien entre les patients souffrant de maladies neurodégénératives et les équipes médicales et paramédicales qui les entourent. Détails et explications avec Benoit Tas, CEO de NeuroPath et porteur du projet.

 

 

Les maladies neurodégénératives sont aujourd’hui la première cause de handicap moteur. La maladie de Parkinson est la maladie neurodégénérative à la croissance la plus rapide au monde, qui touche aujourd’hui entre 35.000 et 50.000 personnes en Belgique. Ce chiffre devrait doubler d’ici 2040 avec entre autres le vieillissement de la population et l’augmentation des dépistages. « C’est une maladie complexe et hautement individualisée », explique Benoit Tas, CEO de NeuroPath. « Il y a près de 60 symptômes différents. Sa progression varie complètement d’un patient à l’autre, pour certains, les signes n’apparaissent qu’après 10 ou 15 ans, tandis que d’autres voient leur vie se détériorer beaucoup plus rapidement. » Malgré cette hétérogénéité, le suivi est plutôt standardisé et prend souvent la forme de deux rendez-vous par an chez un neurologue. Ces consultations sont généralement l’occasion de réaliser des tests de motricité, ce qui laisse peu de place pour l’écoute du patient et, dès lors, la compréhension de son quotidien. Par ailleurs, les personnes se portent souvent mieux face au médecin que dans leur vie en général. En d’autres termes, la consultation ne donne pas forcément une image représentative de l’état de santé du patient. « Pourtant il est possible d’améliorer la qualité de vie avec des soins ajustés et un mode de vie ajusté (exercices physiques, régime adapté, etc.). »

 

Tout cela nécessite un suivi régulier et la prise en charge du patient par une équipe pluridisciplinaire (médecin, psychologue, ergothérapeute, diététicien, etc.). « Une étude menée aux Pays-Bas a démontré que non seulement, cette approche multidisciplinaire était plus efficace, mais qu’elle permet aussi de diminuer les coûts de soins de santé de près de 15%, simplement en évitant des hospitalisations ou des fractures éventuelles », détaille Benoit Tas.

 

Une plateforme pour mieux suivre les patients

NeuroInsights est un projet de plateforme pour récolter les données journalières chez les patients et établir une sorte de tableau de bord. « L’idée de donner aux cliniciens des informations qu’ils ne peuvent obtenir lors de consultations, et éventuellement, de recevoir des alertes quand certaines évolutions apparaissent. De cette façon, la prise en charge peut être plus réactive et efficiente. »

 

Actuellement, trois fonctionnalités sont en cours de développement.

 

Premièrement, un journal de médication. « L’horaire et la régularité de prise de médicament pour un patient atteint de Parkinson sont essentiels pour maintenir leur état. Le patient recevra des notifications pour lui rappeler ce qu’il doit prendre selon les échéances établies. »

 

Deuxième, un questionnaire sur la qualité de vie. Celui-ci porte sur 22 domaines relatifs à la santé, qu’elle soit physique, morale ou sociale. « Ce questionnaire a été validé cliniquement par la Northwestern University à Chicago qui est un centre d’excellence pour la maladie de Parkinson. »

 

Troisièmement, un analyseur de mouvement. Grâce aux capteurs de mouvements des smartphones tels que l’accéléromètre ou le gyromètre, il est possible d’évaluer la qualité d’un mouvement. « Aujourd’hui, nous travaillons sur huit exercices pratiqués par les patients de ces maladies neurodégénératives. L’idée est de pouvoir suivre leur évolution au fil du temps. »

 

Si ces trois développements sont des technologies propres au projet NeuroInsights, s’y ajouteront probablement d’autres types de données issus de technologies existantes. Par exemple, les montres connectées pourront y fournir le nombre de pas journalier.

 

Des partenaires locaux et une vision internationale

Pour monter ce projet, la société NeuroPath s’est entourée de partenaire de choix : Eonix, une spin-off universitaire de l’UCL, basée à Mons et active dans l’acquisition et la gestion de données ; le centre de recherche et d’innovation Multitel, également localisé près de la cité du Doudou ; le CHU de Liège au travers du Docteur Gaëtan Garraux et l’Arteveldehogeschool qui est une haute école située à Gand.

 

« Le projet a été déposé dans un premier temps au Pôle de compétitivité Biowin », explique encore Benoit Tas. « Puis nous avons également été voir le Pôle MecaTech puisque le projet comprend aussi de l’engineering. Nous avons reçu une approbation de principe en mars 2020 et le lancement est officiel depuis ce mois de juin. » La période du projet s’étale sur trois ans, mais le CEO de NeuroPath espère aboutir à une version bêta assez rapidement. « Il y a des durées qui sont incompressibles. Nous devons tester les technologies de façon longitudinale et vérifier l’adhérence des utilisateurs avec la plateforme. » Et le porteur du projet d’insister encore sur l’importance du partenariat : « Nous avons tout de suite travaillé le design de l’application en impliquant à la fois des patients et des neurologues, ce qui a été rendu possible grâce au CHU de Liège. »

 

L’enjeu pour ce type de produit est également de répondre aux normes et réglementations en vigueur. Ce qui nécessite aussi de suivre des procédures tantôt pour obtenir l’approbation de comité d’éthique, tantôt pour répondre aux réglementations propres aux ‘medical devices’. « Le marché belge étant limité, nous avons voulu nous implanter aux États-Unis avec un bureau à Chicago. C’est une ville que je connais bien puisque j’y ai réalisé un MBA. Et elle compte en son sein deux centres d’excellence autour des maladies neurodégénératives. »

 

« Nous avons la chance d’avoir en Belgique un excellent terreau pour développer des produits innovants, notamment grâce à la présence des Pôles de compétitivité et aux habitudes de collaboration entre les partenaires privés et publics. Je noterai encore deux avantages et pas des moindres : le niveau de compétence élevé en ce qui concerne les technologies et l’innovation, et la proximité des partenaires (tous se trouvent à moins de deux heures en voiture). C’est pour ça que nous avons souhaité développer la plateforme NeuroInsights dans nos régions. Avec un bureau à Chicago, nous espérons nous faciliter l’accès à l’internationalisation et des investisseurs privés. »

 

Pour en savoir plus :

https://www.biowin.org/fr/projet/neuroinsights