La notion de « jeu » est de plus en plus utilisée dans l’écosystème de l’innovation collaborative, de la créativité et de l’intelligence collective. Plongeons dans les méandres du Gamestorming 

 

Un peu de contexte

La créativité et l’invention ont longtemps été considérées comme une boîte noire. Au sein des organisations, c’est encore régulièrement le cas : des cadres dirigeants et directeurs attendent de personnes qu’on affublera de l’étiquette « les créatifs » qu’elles puissent, par un mécanisme abstrait et mystérieux, faire émerger des idées, des solutions, des concepts originaux et disruptifs. 

Si les théories des neurosciences et de la créativité nous en apprennent beaucoup sur le processus créatif accessible à chaque individu, l’observation du quotidien complète cette mécanique par des réalités parfois surprenantes : réunions d’apparence désorganisée, avalanche de post-its, bureaux en désordre et autres marques de fabrique de ces « créatifs ».   

Dans une économie du savoir complexe, dynamique et compétitive, chaque personne doit être capable d’activer sa part de créativité et de participer à l’émergence de solutions nouvelles. C’est en tout cas la conviction de trois entrepreneurs : Dave Gray, Sunni Brown et James Macanufo. Tous actifs dans l’accompagnement au changement, la performance des équipes et l’émergence de l’innovation, ils se sont penchés sur la magie de l’intelligence collective et des collaborations efficaces. Ils ont pu observer que les personnes identifiées comme les plus créatives ont tendance à utiliser des stratégies et des pratiques simples pour approfondir les sujets traités, explorer de nouvelles idées, réaliser des expériences et vérifier leurs hypothèses, tout ceci dans le but de générer des idées et des résultats nouveaux et surprenants.

Au cours d’une recherche de terrain, notamment au cœur de la Silicon Valley, les trois auteurs ont rassemblé les meilleures de ces pratiques en prenant soin de mettre l’accent sur un élément fondamental : la dimension ludique. Le mot Gamestorming est de ce souhait d’activer tous les bénéfices du jeu à l’émergence de l’innovation et la qualité de la créativité.  

 

Gamestorming vs outils de collaboration, de créativité et d’intelligence collective.

Le Gamestorming pourrait se définir comme un ensemble de pratiques qui permettent de faciliter l’innovation collaborative et que l’on mettra en oeuvre dans leur dimension la plus ludique. Ces techniques, maîtrisées par un facilitateur, pourront plus efficacement amener à un groupe à atteindre un objectif en utilisant de manière optimale l’ensemble des connaissances, compétences et aptitudes en présence. 

Le site gamestorming.com offre « un ensemble d’outils de co-création utilisés par des innovateurs du monde entier ». Dans cette boîte à outils, vous trouverez plus de 80 manières d’utiliser le jeu pour dynamiser des groupes, résoudre des problématiques, prendre des décisions ou encore réfléchir à la stratégie de l’organisation.  

Les outils sont classés dans diverses catégories liées au cadre d’utilisation et aux objectifs recherchés. On y dénichera des méthodes de brise-glace, de recherche de nouvelles idées, de team building, de résolution de problème, de réflexion stratégique, de conduite de réunion ou encore de facilitation à la prise de décision. Vous identifierez des outils que nous avons déjà partagés, notamment dans notre livre blanc, mais aussi une foule d’autres méthodes originales et étonnantes. 

 

 

Le Gamestorming va donc piocher dans les outils traditionnels de la collaboration, de la créativité et de l’intelligence collective tout en veillant à les appliquer dans des expériences de jeu sérieux pour créer un cadre de travail dynamique et motivant. Dave Gray mentionnera à ce propos : It’s like brainstorming but with games.  

Les techniques adaptées de Gamestorming veilleront particulièrement à l’utilisation :  

  • Du corps et des 5 sens pour activer davantage les facultés des individus (jeux de rôles, improvisation, déplacements, etc.) ; 
  • Des mots et du langage pour favoriser les échanges et la pensée créative ;
  • Des low tech : papier, crayons, cartons et autres accessoires ludiques de type LEGO, Playmobil et cartes illustratives ; 
  • De la technologie dans un but de dynamisation, d’étonnement ou de simplification du processus. 

 

Pourquoi utiliser le jeu pour animer, faciliter et collaborer ?

De nombreuses recherches ont démontré le lien entre l’utilisation du jeu dans la sphère professionnelle et la performance dans diverses industries. Comme le soulignait déjà Johan Huizinga en 1938 dans son ouvrage Homo Ludens, jouer est par définition non sérieux mais requiert une attention sérieuse. Les jeux développent une forme structurée dans laquelle nous pouvons expérimenter différentes règles et comportements, à l’abri de conséquences réelles tout en ayant des effets bien concrets. Le jeu est un mécanisme de formation et d’apprentissage très efficace et ceci à tout âge.  

Dans le cadre de la facilitation et de l’animation de réunions ou d’ateliers collectifs, par exemple, le jeu devient un véritable atout. En utilisant les règles pour placer les balises, il rendra les échanges plus fluides, l’objectif plus clair et la gestion du temps stricte sans être perçue comme rigide. 

Soyons néanmoins prudents sur un point. Tout le monde ne réagit pas de la même manière aux aspects ludiques. Si pour certaines personnalités, le jeu sera un mode de fonctionnement naturel et préférentiel, il pourrait être contre-intuitif et rébarbatif pour les autres. Notre articles sur les profils de joueurs vous en dira plus. Afin d’assurer une appropriation maximale de vos méthodes, nous conseillons de suivre les conseils suivants : 

  • Spécifier, en début et en fin d’activité, le sens de la méthode employée et le lien à l’objectif ; 
  • Veiller à ce que la technique de jeu laisse suffisamment de place à l’expression libre des opinions et idées de chacun ; 
  • Intégrer dans votre protocole ludique quelques moments perçus comme de réels défis (un sprint sur la synthèse d’une idéation, la production d’un grand nombre d’idées dans une phase de divergence, la réalisation d’un prototype avec des moyens limités, etc.) 
  • Créer un environnement qui soit fonctionnel mais également agréable et chaleureux, en veillant au bien-être des participants.  

Pour aller plus loin

Vous pouvez découvrir l’esprit du Gamestorming dans cette vidéo:  

https://www.youtube.com/watch?v=3mrtu4MmthE

Le livre « Gamestorming » est également disponible et rassemble les principaux outils rassemblés par les auteurs : 

Le site internet regorge également d’idées : 

https://gamestorming.com/